Generic selectors
Exact matches only
Search in title
Search in content
Post Type Selectors

REGARDS ARCHÉOLOGIQUES
SUR LE HAUT MOYEN ÂGE EN CHALONNAIS (Ve-Xe siècles)

Musée Denon, Chalon-sur-Saône

Du 19 avril au 21 octobre 2024

L’exposition propose une incursion dans cette période peu connue qu’est le haut Moyen Âge (Ve-Xe siècles) sur le territoire chalonnais, ainsi qu’une initiation au travail des archéologues qui œuvrent à le (re)découvrir.


Fibules ansées d’origine germanique orientale provenant de la tombe de Balleure
© Musée Vivant Denon, Chalon-sur-Saône/Jérôme BEG.


Capitale de cité à la fin de l’Antiquité puis résidence du roi Gontran, Cabillonum (Chalon-sur-Saône) connaît une période particulière de prospérité qui se poursuivra jusqu’au IXe siècle. La position privilégiée de la ville dans le prolongement de l’axe Rhône – Saône en fait un carrefour commercial incontournable au cœur des échanges en Europe de l’Ouest.
Alors que le christianisme se répand en Bourgogne, Cabillonum occupe une place d’importance, puisqu’elle devient le siège d’un évêché dès le IVe siècle.


Inscription commémorant un transfert de reliques de l’abbaye d’Agaune © Musée Vivant Denon, Chalon-sur-Saône/Jérôme BEG.

Patène inscrite et vase dit « de Jamblique » © Musée Vivant Denon, Chalon-sur-Saône/Jérôme BEG.


C’est dans ce contexte géopolitique que se développe un groupe de centres potiers autour de la Forêt de la Ferté. Parmi ces ateliers, le village de Sevrey se distingue rapidement par l’importance de ses productions et l’étendue de leur diffusion. Grâce à l’apport des fouilles récentes menées notamment par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) dans le Chalonnais, et à Sevrey depuis 50 ans, l’exposition propose de découvrir le travail et le quotidien des potiers médiévaux.
Au discours historique s’ajoute une seconde lecture, centrée sur les sciences et techniques de l’archéologie, offrant un aperçu du travail de terrain et d’études post- fouilles.

L’exposition s’articule autour de deux salles. La première présente les grandes caractéristiques de la période du haut Moyen Âge dans le Chalonnais à travers les fouilles archéologiques menées à Chalon-sur-Saône. La seconde présente plus particulièrement le village potier de
Sevrey qui est fouillé depuis 50 ans et qui a livré de précieuses informations sur la vie dans un centre potier à cette période.


Plaque-boucle représentant Daniel dans la fosse aux lions, découverte dans une sépulture burgonde de Saint-Clément-sur-Guye, 5e-8e siècles © Musée Vivant Denon, Chalon-sur-Saône/Jérôme BEG.

Chalon-sur-Saône entre le Ve et le Xe siècle
Implantée dans un secteur fréquenté dès la Préhistoire, la ville antique de Chalon – alors connue sous le nom de Cabillonum – est la principale agglomération secondaire du territoire éduen. Grâce au réseau de voies établi sous le règne du gouverneur Agrippa, elle se trouve à la croisée des routes menant vers Lyon, Autun, Langres ou Besançon, et dans la continuité de l’axe Rhône – Saône. Cabillonum accède au rang de capitale de cité au IVe ou Ve siècle, avec le déclin de la ville d’Autun, qui en avait jusque-là le statut. Port d’attache de la flotte militaire, elle devient vraisemblablement le siège d’un évêché dès le IVe siècle. Au début du VIe siècle, après la chute de l’Empire romain en 476 puis du royaume des Burgondes en 535, elle intègre le royaume franc de Burgondie et devient la résidence du roi mérovingien Gontran et de son successeur Thierry II. C’est le début pour la ville d’une période de prospérité particulière qui se poursuivra jusqu’au IXe siècle. À l’époque carolingienne, Chalon n’est plus capitale de royaume, mais reste l’un des principaux centres religieux, politiques et économiques de Bourgogne. Ainsi, carrefour commercial et lieu d’échanges, Chalon voit l’implantation et le développement des grandes foires dès le Xe siècle.


Habiter en ville au haut Moyen Âge

Si la majorité de la population est encore rurale au cours du haut Moyen Âge, les villes, bien souvent héritées de l’Antiquité, évoluent. La ville de Cabillonum est alors enserrée à l’intérieur du castrum, un espace d’environ 13 hectares délimité par une enceinte fortifiée ponctuée de plusieurs tours. À l’intérieur de cet espace se trouvent maisons, églises, palais et quelques zones d’artisanat, mais qui s’étendent déjà hors de l’enceinte. La ville est traversée par deux grands axes perpendiculaires : le decumanus (est-ouest), parallèle à la Saône, et le cardo (nord-sud), dans le prolongement du pont Saint-Laurent. Cette organisation est encore bien visible dans le plan du centre-ville aujourd’hui.
Malheureusement, l’archéologie peine à documenter cet habitat urbain, notamment parce qu’il a été enfoui sous la ville actuelle et que les opportunités de le fouiller sont rares. De nombreuses constructions sont mixtes, à la fois en pierre (héritage de l’urbanisme
romain), entre autres pour les églises et palais, et en matériaux périssables (terre et bois), qui semblent être davantage employés du VIIIe au
Xe siècle. Les fouilles préventives menées en ville mettent parfois au jour quelques petits objets du quotidien (outils, parures, etc.) qui ouvrent une fenêtre sur la vie en ville.


Tricotin découvert place du Châtelet en 2017, VIIe-IXe siècles. © Pierre QUENTON (Inrap).

Site épiscopal et aristocratie
Alors que le christianisme se répand dans l’Empire romain, un évêque s’installe à Chalon au cours du IVe siècle, faisant de la ville, capitale de cité, le siège de l’évêché. Autour de son église se développe le groupe épiscopal, ensemble d’églises secondaires et de bâtiments divers, liés à la vie de la communauté chrétienne. Il faut cependant attendre la fin du VIe siècle pour que soit clairement mentionné par Grégoire de Tours un édifice orné de marbres et de peintures abritant une cathédrale, édifié par « Agricola, évêque de Châlons » (532 – 580).
Bien que son emplacement exact à l’intérieur du castrum ne soit pas connu à ce jour, les fouilles de la salle capitulaire et du cloître Saint-Vincent laissent supposer qu’elle devait se trouver à peu près à l’emplacement de la cathédrale actuelle. Les plus anciennes traces archéologiques remontent ici au Ier siècle : les fouilles préventives offrent ainsi un aperçu de la remarquable continuité de ce secteur jusqu’au Xe siècle, qui accueille des élites gravitant autour de l’évêque.
L’ensemble est remanié à la fin du VIe siècle au profit de constructions en terre crue et mortier de chaux. Aux VIIIe-IXe siècles se distingue un vaste complexe de type « palais », aux murs de pierres décorés de marbres.


Gobelets et coupe mérovingiens découverts dans la nécropole de Saint-Jean-des-Vignes © Musée Vivant Denon, Chalon-sur-Saône/Jérôme BEG.

Le monde des morts
À la fin de l’Antiquité, sous l’influence du christianisme, l’inhumation individuelle se généralise et remplace petit à petit l’incinération, qui était jusque-là majoritaire. Les inhumations se font d’abord hors les murs, au sein de nécropoles placées en périphérie des quartiers d’habitation : le pôle funéraire le plus important reste la nécropole de Saint-Jean-des-Vignes, occupée du Bas-Empire à l’époque mérovingienne. Au cours du haut Moyen Âge, les tombes se regroupent autour de sanctuaires chrétiens à vocation funéraire, au fur et à mesure que les édifices de culte chrétiens se multiplient sur le territoire.
Ces inhumations autour des églises deviennent les plus fréquentes à partir de l’époque carolingienne, et les grandes nécropoles extra urbaines disparaissent. Seule cette topographie du paysage funéraire permet avec certitude d’identifier une tombe chrétienne.


En haut. Restitution du port Guillot en activité. © dessin François GAUCHET, Inrap.
En bas. Trémissis de Magnoaldus (vers 640-670), trouvé dans les environs de Chalon. © Musée Vivant Denon.


Commercer par la Saône
Située dans le prolongement du Rhône, la Saône relie très tôt la région chalonnaise à la Méditerranée et ses actifs réseaux commerciaux. La topographie particulière de la Saône, avec ses nombreux hauts- fonds et ses variations importantes de profondeurs, devait obliger les marchands à décharger leurs cargaisons à Chalon, où elles ont pu être taxées avant de rejoindre le réseau de voies terrestres. Peu de vestiges attestent ce réseau fluvial : en aval de Chalon, sur le site du Port Guillot (Saint-Marcel), plusieurs découvertes subaquatiques entre 1982 et 2000 révèlent la présence d’une zone portuaire médiévale, avec embarcations et quai de déchargement.


Lot de pots en céramique grise de Sevrey. © Gaëlle PERTUISOT, Inrap.

Vivre et produire dans le centre potier de Sevrey

Au cours du haut Moyen Âge se développe, au sud de Chalon-sur-Saône autour de la forêt de la Ferté, un groupe d’ateliers de potiers à l’origine d’une production céramique importante. De manière contemporaine, les ateliers de Givry, La Charmée, Saint-Ambreuil et Sevrey fabriquent un vaste répertoire de céramiques largement diffusées à l’échelle régionale, du sud de Lyon jusqu’au Jura suisse, et au-delà, jusqu’aux bords de la Méditerranée.

Fouillé dès les années 1970, le site de Sevrey constitue un pôle majeur des productions céramiques médiévales chalonnaises, particulièrement actif à partir de l’époque mérovingienne. Ces recherches, toujours en cours, dévoilent un secteur occupé dès l’Antiquité. Pourtant, il faut attendre le XIIe siècle pour que soit mentionné Sevrey et son activité potière. Cinquante années de recherches éclairent désormais l’histoire des potiers de Sevrey.


Évocation de l’atelier du Xe siècle. © dessin François GAUCHET, Inrap.

Replacer Sevrey dans son environnement
Le site est implanté sur un secteur propice à la fabrication de céramique : riche en ressources naturelles et bien desservi par les voies de communications.
Les deux matériaux principaux nécessaires à la fabrication de la céramique, le bois et l’argile, sont directement à disposition des potiers de Sevrey. Le bois, utilisé en grandes quantités pour alimenter les fours de potiers, est disponible dans les forêts de La Ferté et de Givry. Quant à l’argile, les recherches pétrographiques et physico-chimiques ont permis de confirmer que les céramiques, tant bistres que grises, ont été réalisées à partir d’une argile locale. Mais il faut également y ajouter l’eau, nécessaire pour le travail de la matière première, et que le sous-sol argileux du site permet de stocker facilement dans de grands bassins.
Situé en dehors de la zone inondable mais à proximité de la Saône (à 2 km du Port Guillot), il se trouve rattaché à un réseau de voies fluviales et terrestres qui lui permettent un accès privilégié aux matières premières et un débouché rapide sur les réseaux d’échange. La proximité de Chalon-sur-Saône est motrice pour l’activité commerciale de Sevrey.

Les productions céramiques sevrotines
À Sevrey, c’est à la fin du Ve siècle que les premiers potiers semblent s’installer. Depuis, la production céramique y est l’activité principale et semble avoir été quasi continue jusqu’en 1870, date du décès du dernier potier actif sur le site. Elle est l’œuvre d’ateliers largement familiaux qui officient à l’intérieur de leurs maisons et qui, bien que distincts les uns des autres, adoptent un même catalogue de formes et de décors. Au cours de leurs quatorze siècles d’activité, ces ateliers ont été à l’origine d’une grande variété de productions, parfois en quantités quasi industrielles. La longévité de ces productions offre un aperçu de l’ensemble de la chaîne opératoire liée à cet artisanat. Depuis l’extraction de l’argile dans les veines locales, en passant par la décantation, le stockage, le façonnage et la cuisson des récipients, chaque étape du travail de la céramique au Moyen Âge est représentée à Sevrey.


Pesons, fusaïoles et aiguilles des XIe-XIIe siècles illustrent le tissage. © Gaëlle PERTUISOT, Inrap.

Vivre dans un centre potier
Plus qu’un site de production de céramique, le site de Sevrey est avant tout un village médiéval : il permet de découvrir le quotidien, du travail jusqu’à la tombe, des populations qui l’occupaient. Le village n’échappe pas à la tendance générale : avec la chute de l’Empire romain, les populations rurales, jusque-là réparties en petites unités autonomes, se regroupent peu à peu au sein de communautés. Les bâtiments, qui servent à la fois de maison et d’atelier, sont principalement construits en terre et en bois, avec probablement des combles aménagés. La fouille des structures de stockage et des zones de dépotoirs, qui viennent compléter les structures d’habitat, nous montre une alimentation tournée vers l’autosuffisance et qui repose principalement sur la consommation de blé nu et de seigle, de légumineuses (pois et fèves) et de légumes (choux et carottes), additionnés de cueillette (herbes et fruits) et de viande de bœuf.


Fouille en cours sous le cloître de la cathédrale Saint- Vincent en 2016. © Pierre BOURDIS.

Le travail des archéologues
Un espace de manipulations ludiques dans le parcours d’exposition permet aux visiteurs de découvrir et d’expérimenter les études post-fouilles réalisées par les archéologues sur les artefacts trouvés, ainsi que leurs différentes spécialités : céramologie (étude des céramiques), pétrographie (étude des éléments composant la pâte d’un vase), carpologie (étude des restes végétaux trouvés dans les sédiments archéologiques), etc. C’est cette interdisciplinarité qui permet de mieux comprendre comment vivaient et produisaient ces populations du haut Moyen Âge.


Répertoire des formes de la céramique bistre de Sevrey. © Pierre QUENTON, Inrap.

Diffusion et poursuite de la production
La position privilégiée de Sevrey à proximité de l’important pôle commercial et politique qu’est Chalon n’est pas à négliger pour le développement majeur du centre potier. La région est au cœur des réseaux de communication fluviaux et terrestres, ce qui permet l’exportation des productions sevrotines sur de longues distances.
Bien qu’il s’agisse de productions de céramiques communes, et non d’objets de luxe, elles ont été amplement diffusées, particulièrement dans le cas de la céramique bistre mérovingienne. Des exemplaires ont été découverts tout du long de l’axe Rhône– Saône, de Maguelone (Hérault), pour la découverte la plus au sud, à Vix (Côte-d’Or), pour la plus au nord. L’aire de diffusion inclut également l’ouest de la Suisse, à Courtételle (Jura suisse) pour l’exemple le plus à l’est.

Si l’exposition se concentre sur le haut Moyen Âge du Ve au Xe siècle, la production potière de Sevrey se poursuit jusqu’en 1870 et la mort du dernier artisan-potier « tupinier » actif sur le site, Lazare BARON.

L’exposition « De terre et de bois » a été conçue en partenariat avec l’Inrap.

Une publication de 88 pages reprenant le déroulé de l’exposition complété par l’analyse des dernières découvertes réalisées par l’Inrap sur
le territoire chalonnais est disponible dans la boutique du musée Vivant Denon.

Coordonnées
musée Vivant Denon
Place de l’Hôtel de Ville
71100 Chalon-sur-Saône
03 85 94 74 41
musee.denon@chalonsursaone.fr
www.museedenon.com
Facebook, Instagram, X : @museedenon

Horaires
Ouvert tous les jours,
sauf mardi et jours fériés
de 9h30 à 12h et de 14h à 17h30
juillet et août : de 10h à 13h et de 14h à 18h

Tarifs
Entrée gratuite pour l’exposition
et les collections permanentes
Visite commentée : 3,60€ / adulte,
gratuit – de 18 ans
Visites guidées pour les groupes possibles
sur demande :
musee.denon@chalonsursaone.fr